A) Pourquoi l’ACSAN soutient résolument le déplacement de l’aéroport
1° Pour des raisons évidentes de situation géographique incontestable de l’actuel aéroport
L’aéroport actuel est enclavé dans l’agglomération, à 1600m du centre de St-Aignan de Grand Lieu au sud et à 1500m du collège La Neustrie de Bouguenais au nord, 6500m du cœur de Nantes. Quelle que soit l’alternative de positionnement de la piste, cet enclavement restera une réalité, seules les populations directement touchées évolueront mais resteront dans tous les cas beaucoup trop nombreuses.
Toutes les grosses agglomérations qui ont pu le faire ont choisi de déplacer l’aéroport en dehors de l’agglomération. C’est ce que les élus de tout bord de nos collectivités territoriales ont avec bon sens anticipé et décidé.
2° Pour des raisons environnementales
Le choix d’aménager l’aéroport de NA a été effectué sans réelle étude préalable environnementale, alors que nous nous trouvons sur une zone humide exceptionnelle, enclavée entre deux zones Natura 2000 particulièrement protégées, dont le lac de Grand Lieu au sud, le plus grand lac naturel de plaine en hiver, 2ème réserve ornithologique en France, réserve nationale complétée par une réserve naturelle régionale. Site RAMSAR, protégé également par la loi littoral.
De plus, le maintien de l’aéroport sur le site actuel empêchera la métropole de bénéficier d’un formidable « bol d’oxygène » indispensable pour lutter contre l’étalement urbain, responsable de la disparition de terres agricoles et d’espaces verts, de la consommation d’énergies fossiles et d’émission de gaz à effet de serre. L’étude réalisée par la Métropole indiquait que le transfert permettait de densifier les zones urbanisées au sud afin de construire 6000 logements et d’accueillir 15000 habitants.
3° Pour des raisons économiques et de développement durable
Sur le plan du développement durable, la question qui se pose est de savoir pour quelle durée ces aménagements sont envisagés. L’évolution du trafic à NA*, la plus forte des aéroports français au-delà de 1M de passagers, nous amènera à 9M de passagers dans moins de 4 ans. Le coût des aménagements de la plateforme, auquel il faut ajouter l’accessibilité et le transport public, l’indemnisation d’AGO pour rupture de contrat, les remboursements des collectivités territoriales et de la surtaxe payée par les compagnies, les expropriations et droit de délaissement, les indemnisations des riverains, dépassera le milliard d’euros. Est-il bien raisonnable de prévoir un aménagement à ce coût pour un aéroport qui sera saturé avant la fin des travaux ? Les médiateurs, eux-mêmes, préconisaient de conserver la maîtrise foncière sur NDDL comme l’indique le rapport des médiateurs° .
* +12,9%en 2018, +21% en 2019 sur les quatre premiers mois / 2018.
°«Mais dans le court/moyen terme, imposer au Grand Ouest des évolutions contraintes, différentes de celles pratiquées ailleurs n’aurait guère de sens : cela ne conduirait qu’à pénaliser cette région sans bénéfice pour la société dans son ensemble. C’est pourquoi la mission a pris en compte sans réserve dans ses travaux les hypothèses de trafic à 2040 (9M) établies par la DGAC. …. C’est pourquoi dans l’hypothèse où le choix gouvernemental conduirait à un réaménagement de Nantes-Atlantique répondant aux besoins de mobilité de court ou moyen terme, la mission préconise dans le rapport joint de conserver la maîtrise foncière des terrains acquis sur le site de Notre Dame des Landes : la liberté de choix laissée à nos successeurs rejoindrait ici la bonne gestion du terroir agricole à court terme » P 11 du rapport de la médiation.
Les hypothèses de trafic ont toujours été sous-estimées, ce que notent les experts du CGEDD dans leur rapport*. Même les hypothèses les plus hautes, tant critiquées à l’époque par les opposants au transfert étaient bien inférieures à la réalité. La médiation a impunément émis des hypothèses bien en deçà de la réalité pour manipuler l’opinion publique. Annoncer fin 2017 6M de passagers en 2025 alors que 6,2M ont été atteints en 2018 est proprement scandaleux.
* « Ce constat d’une sous-évaluation de l’augmentation du trafic d’un équipement de transport est assez rare pour être signalé » p18 du rapport du CGEDD de mars 2016
L’ACSAN demande une expertise indépendante sur les hypothèses de trafic.
4° Pour avant tout des raisons HUMAINES
Nous sommes particulièrement attentifs à la protection environnementale dont fait partie l’humain. Le choix d’aménagement de l’aéroport actuel condamne, quelle que soit l’alternative proposée, une grande partie de la population à subir définitivement les nuisances sonores et environnementales qui ne feront que croître avec un impact effectif sur leur santé, ce que démontrent de plus en plus clairement les études prises en compte par l’OMS.
5° Pour des raisons de respect de notre démocratie
Le choix de transférer l’aéroport, décidé par l’Etat, a suivi les longues procédures démocratiques et a été de ce point de vue une démarche exemplaire en matière de prospective, d’aménagement du territoire, de protection des populations, d’engagement environnemental et de débat démocratique. Débat public en 2003, enquête publique en 2007, déclaration d’utilité publique en 2009, commission de dialogue en 2012/2013, vote référendaire en juin 2016 : toutes ces étapes ont conduit à la validation du transfert sans oublier l’accord de l’Europe et les 179 décisions de Justice qui ont approuvé le bienfondé de celui-ci.
L’abandon de cette opération en cours a été un camouflet pour nos Institutions Démocratiques et pour le vote de nos concitoyens.
C’est pour toutes ces raisons que nous demandons à ce que, dans une perspective de développement durable, le transfert soit effectivement pris en compte car c’est la solution qui permet de concilier le développement du territoire et la protection de la population.
B) La réalité des nuisances subies par les riverains impose impérativement le respect des points suivants :
1) Etablir la situation de référence en partant de l’opération de transfert, abandonnée :
Rappelons de ce point de vue que l’Etat s’est engagé sur le transfert et que le contrat de concession a été signé le 23 décembre 2010, la convention entre l’Etat et AGO est approuvée par décret le 29 décembre 2010. Forages en 2011 et 2013, creusement de mares pour le déplacement des espèces protégées, fouilles archéologiques, attribution de marchés par la Préfecture, notamment pour défricher et dégager les routes, inventaires complémentaires démarches de compensations environnementales, et enfin arrêtés préfectoraux le 20 décembre 2013, loi sur l’eau et dérogations aux espèces protégées, constituent diverses phases des premiers travaux. Face aux violentes oppositions, la volonté affichée de dialogue et de concertation de l’époque a abouti à une suspension des travaux engagés et à la mise en place de la commission de dialogue.
On n’est donc clairement plus sur un projet mais bien sur une opération en cours suspendue en raison d’oppositions violentes. Le choix du gouvernement d’abandonner l’opération de transfert fait quitter une situation de référence
dans laquelle les nuisances sonores et environnementales liées au survol à basse altitude disparaissaient pour les habitants de l’agglomération nantaise, dans laquelle les régions du Grand Ouest disposaient d’un aéroport performant à deux pistes.
C’est bien de cet état des lieux qu’il est indispensable de partir pour évaluer les conséquences environnementales, économiques et humaines de l’aménagement de la plateforme actuelle.
2) Etudier toutes les conséquences des aménagements proposés (environnementales, humaines, économiques…) pour un trafic à 9 M mais aussi à 15M de passagers.
M le Président de l’Autorité Environnementale regrette que les études d’impact soient réalisées à la fin du processus de réalisation d’un aménagement et qu’elles ne participent pas au choix en amont du projet.
Il nous paraît essentiel que la concertation permette à l’ensemble des acteurs et à la population de mesurer les impacts environnementaux, humains et économiques de l’aménagement de Nantes-Atlantique. Pour cela des études prospectives doivent être conduites et portées à la connaissance de l’ensemble des acteurs locaux.
3) S’assurer que les promesses soient tenues et notamment « les compensations exemplaires » annoncées.
Lors de l’annonce de l’abandon du transfert, le Premier ministre s’est engagé à mettre en œuvre des compensations exemplaires pour la population et les collectivités concernées.
Nous constatons que le droit commun ne permet pas à une grande partie de la population de bénéficier des aides et indemnisations liées aux nuisances sonores et environnementales subies.
L’abandon de l’engagement contractuel de l’Etat doit justifier une prise en compte plus large que celle retenue dans le droit commun pour l’insonorisation, le droit de délaissement et l’expropriation des biens.
Le montant annoncé jusqu’à présent pour ces compensations exemplaires, 20M étalés sur 10 ans, est dérisoire (10M pour l’Etat et 10M pour le futur concessionnaire) alors que les premières estimations des collectivités territoriales dépassent les 150M d’euros. Faut-il rappeler que le seul déplacement du collège de la Neustrie à Bouguenais, situé sous l’axe d’atterrissage et de décollage des avions, représente 15M d’euros.
Nous demandons donc une expertise indépendante sur le coût réel du maintien de l’aéroport et le montant des compensations exemplaires annoncées.
Nous demandons que les fonds soient en rapport avec les besoins et immédiatement disponibles car la population ne peut attendre pour bénéficier de ces indispensables compensations.
4) Inclure dans la concertation l’accessibilité et les liaisons aux plans de la Métropole, du Département, de la Région et du Grand Ouest.
Dans les commentaires de la décision prise en novembre 2018, la CNDP indique très justement que le périmètre de cet aménagement est beaucoup trop restreint et il est nécessaire d’avoir une réflexion plus large qui englobe les intermodalités dans le grand ouest et un projet collectif territorial.
Le droit européen, directive 2011/92/ue modifiée, transposée dans le code de l’environnement, exige que les grands projets soient conçus dans une conception globale incluant tous les impacts environnementaux liés à toutes les dimensions directes ou indirectes du projet. Dans le cas présent, le réaménagement de l’aéroport de Nantes- Atlantique est saucissonné en plusieurs dossiers, d’un côté le réaménagement de la plate-forme, de l’autre l’accessibilité à celle-ci ; les déplacements et intermodalités entre les collectivités de l’agglomération, le nord et le sud, mais aussi au sein du département, de la région et du grand ouest sont absents de cette réflexion.
Puisque l’aéroport est celui du Grand Ouest, l’ACSAN demande une étude sur les liaisons à cette échelle territoriale et les modalités d’accès rapide à cet équipement, notamment en transport collectif.
5) Prendre effectivement en compte l’impact sanitaire de ce type d’équipement et les dernières études concernant l’impact du bruit sur la santé des personnes.
Les scientifiques attirent notre attention sur cet aspect
L’OMS en octobre 2018 émet une recommandation forte sur l’effet néfaste sur la santé des bruits d’avion à partir de 45dbLden.
Une étude de l’IFSTTAR de Lyon, en juin 2018, indique 34% d’Hyper Tension Artérielle en plus lorsque le bruit augmente de 10dB Lden.
Pilotée par l’IFSTTAR, l’étude DEBATS (Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé) a été initiée en 2012 par la Direction générale de la Santé et l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des NUisances Aéroportuaires) pour mieux caractériser les relations entre l’exposition au bruit des avions et l’état de santé des riverains. Bruitparif a été chargé des mesures acoustiques. Diminution de la qualité objective du sommeil et impact sur le rythme cardiaque sont les premiers constats.
Les politiques prennent conscience de la nécessité de prendre en compte cette dimension
Dans une tribune des députés de la majorité, ceux-ci s’engagent à porter des propositions fortes dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités. Inclure la pollution sonore dans le code de l’environnement, prendre en compte les pics d’intensité, la répétitivité et le cumul des bruits, achever la réalisation des cartes de bruits et les PPBE (plans de prévention des bruits dans l’environnement) sont quelques mesures évoquées dans ce texte.
La commission européenne met en demeure la France d’agir contre le bruit (directive de 2002 qui impose aux Etats d’adopter des cartes de bruit dans les grandes agglomérations, le long des grands axes ferroviaires et routiers, et autour des grands aéroports.)
L’ACSAN demande donc une étude sur l’impact sanitaire des différentes alternatives proposées avant toute décision.